Thursday, April 25, 2024

Traction-brabant 81

Si mon poème est un loisir, il me vient illico presto quand je laisse mes pensées vagabonder. Je n’ai pas besoin de faire des efforts. Je regarde ce qu’il y a autour de moi : plein de choses stupides. À chaque fois, les pattes de mouche de la réalité l’emportent. Ou bien je me laisse transbahuter par mes rêves, mâtinés de réel. Et mon poème, s’il pousse de travers, je ne lui coupe pas les tifs. Il grandit comme il a envie, il peut se cogner aux murs, en sortir un peu amoché, et finalement, tourner court au bout de cinq minutes. Conglomérat de déjections de mon esprit vacant, tonneau des Danaïdes à remplir continuellement, il m’aura au moins permis d’occuper dix minutes. J’ai envie d’en envoyer une brassée de pareils à Malta. Il en fera ce qu’il voudra. Au pire, il les jettera à la poubelle sans fond des textes non publiés.

Si mon poème est un métier, j'ai avant tout besoin d’un patron pour l’écrire. Entendez par là une forme obligatoire. Sans patron, pas de sujet. Quant à ce dernier, il sera rendu inoffensif par mon patron. À la limite, il vaut mieux qu’il le soit. Et pas question de changer de forme. En effet, contrairement aux rêveurs, je regarde toujours pousser mon poème. Je le surveille tandis qu’il tente de s’élever dans des limites restreintes, celles que je lui ai fixées. Et je n’écris pas un seul poème, mais une série de textes construits sur un patron identique. Le but est d’écrire le recueil le plus uniforme possible. Mon poème, je veux qu’il ait la boule à zéro. Quand on ouvre un de mes livres, il faut que toutes les pages se ressemblent, afin que le lecteur ne soit pas perdu. Mon poème, c’est le petit soldat d’une grande armée personnelle. Bien entendu, je refuse de l’envoyer à Malta qui ne publie que des ramassis d’humeurs. Moi, j’exige un véritable éditeur, qui m’obéisse au doigt et à l’œil. Car en réalité, je suis ma propre forme.

Si mon poème est une passion, il a une tête et un cœur. Il n’est pas directement inspiré par l’extérieur, il n’obéit pas non plus à un plan précis. Il doit me permettre de résoudre une difficulté, même passagère, même symbolique. Illusion ? Tant pis, je l’écris malgré tout, pour le plaisir du voyage intérieur. D’ailleurs, il n’est pas tout seul, sans être pour autant indifférencié. Il suit sa propre logique et se fout de ce qu’il y a autour. Il ne veut pas toujours être montré. C’est ce que ce poème irradie en moi qui compte. À la limite, je l’enverrai peut-être à Malta, s’il est sympa, ou je ne lui enverrai pas. L’essentiel, c’est qu’il soit écrit. Et qu’il me fasse vivre un peu différemment, dans le monde réel, celui qu’il me faut subir chaque jour. Lorsqu’il s’agit de mettre du beurre dans les épinards. Et basta.

P.M.

Numéro 107 de "Traction-brabant"

 

Le numéro 107 de "Traction-brabant" est vendu au prix de 3 €. Alors, ne vous privez pas. Des exemplaires des anciens numéros sont également disponibles sur demande.

Pour plus de précisions, contact association le Citron Gare : p.maltaverne@orange.fr

Ce numéro 107 est également disponible sur Hello Asso : 

Présentation

"TRACTION-BRABANT" (alias T-B pour les intimes) est un fanzine d'écriture, de poésie et autres textes courts, créé en janvier 2004 par Patrice MALTAVERNE (conception, écriture, choix et mise en page des textes) et Patrice VIGUES (illustrations).

"TRACTION-BRABANT" existe aussi et surtout sous sa version papier à une cent soixante-dizaine d'exemplaires par numéro. Le poézine est à parution aléatoire, quoique... si tous les deux trois mois, les combattants sont en forme, un nouveau numéro sort de leur tanière.

"TRACTION-BRABANT", aujourd'hui publié par l'association Le Citron Gare, ne demande aucune subvention, le poézine a juste pour but de faire circuler à son modeste niveau une poésie pas trop classique ni trop molle surtout, ainsi que de véhiculer certaines pistes de réflexion, sans pour autant qu'il ne soit tranché dans le vif.

Plus précisément, à l'origine, TRACTION-BRABANT est la contraction de traction avant, l'auto et de brabant double, la charrue à double soc. Cela montre avant tout notre nostalgie pour ces vieux objets mécaniques ainsi que notre méfiance par rapport à un progrès non mesuré...

Les auteurs (poètes, illustrateurs) présents dans "TRACTION-BRABANT" sont plus de cinq cents, d'après les dernières stats.

Ce blog a pour but de reproduire des extraits du zine sous sa version papier et de faire connaître davantage ce que nous faisons....

"TRACTION-BRABANT" s'efforce d'encourager ses participants à des échanges de textes et d'idées et pourquoi pas à de possibles rencontres.

S'il vous plait, n'envoyez jamais plus de 10 pages format A4 (en un seul fichier et format Open office ou Word, de préférence) si vous contactez le poézine. 

À l'inverse, jusqu'à preuve du contraire, et contrairement à la majorité des revues de poésie d'aujourd'hui, aucune thématique n'est imposée dans "TRACTION-BRABANT". C'est la liberté chère au poète (du moins, je le crois) qui prime, et puis aussi, cette certitude que le poète peut trouver lui-même de quoi il a envie de parler quand il écrit…

P.M.

Contact pour l'association Le Citron Gare : p.maltaverne@orange.fr

Depuis que j'ai découvert les ânes j'aime moins les humains


De Fred Johnston (extrait de T-B 27)

MESSAGE DANS UNE BOUTEILLE

« Certes, les puissants conservent maints privilèges… »
- Jean-Louis Servan-Schreiber : Le retour du courage

Aidez-moi…
les navires de guerre arrivent –

Mes amis
brandissent leurs drapeaux, leurs banderoles :

Et sur les balcons
les tireurs d’élite polissent leurs armes –

Je ne comprends pas
les règles du jeu ; je crache des gouttes de sable.

Le blogue de Christophe Condello

Accompagné d'une citation d'Aristote, en sous-titre, "Les arbres sont des êtres qui rêvent" (ce n'est pas ici effectivement qu'ils seront coupés !), le blogue (comme c'est écrit dedans) de Christophe Condello publie des textes d'autres poètes.

Il s'agit aussi d'un blogue d'actualité poétique : mise en avant de certaines manifestations (lectures), publications (chroniques de revues et de livres), et hommage à des auteurs disparus, sans compter une liste de liens d'éditeurs bien fournie.

Bref, une assez complète publication, à suivre ici.

La voiture accidentée du futur de Patrice VIGUES

Malta compil 2014 : "Juste une dernière fois..." (avec lecteur mp3)

Je reprends, après une période d'absence, mes enregistrements audio où je les avais laissés, avec l'extrait suivant du recueil "La voiture accidentée du futur", cuvée 2014, qui vient d'être édité par les Editions Urtica.

Juste une dernière fois
Laisser d'un doigt
La peinture des portières
Qui parfois vieillie
S'en va en paillettes de désespoir

Sentir le soleil cuire
Cette absence d'âme
Qui se pose là
Suivre la ligne d'horizon
Épousant les fils électriques
Qui tremblent aux intempéries

L'incertitude est immense

N'épouse plus les arêtes qui vite
S'interrompent face à la noria
Des poussières extra-veineuses"

Et pour l'entendre, sur un titre de Mercadinho (via Dogmazic, site de musique sous licence libre, https://www.dogmazic.net/), "Lucas Alencar", extrait de l'album "Sons da naturezza", c'est ici.

De Stéphan Riegel (extrait de T-B 92)

 
ruban sourire sur les gants
un instant perlé
il y a crachat de notes
nous nous dépêchons de nous emplir les poches
nous voudrions jardin
à crouler sous les fleurs
nous avons pierre tombale
pour nous rincer le cœur

Image de Pierre Vella et en son hommage


De Mehdi Ghassemi (extrait de T-B 104)

Un Monde de Clé


On vit dans un monde de clé
Je n'y comprends plus rien
Un monde où l'on veut tout fermer
À double tour, ce serait bien
 
Clé passe partout
Gare aux voyous
Clé de voiture, clé de garage
Toujours fermé, c'est bien plus sage
 
Clé des champs
Pour les brigands
Clé de cadenas
Pour les malfrats
Clés à menottes
Tu vas en pote
 
Clé de boîte aux lettres
Clé de coffre-fort
Tu ne sais où les mettre
Si tu les trouves, tu es très fort
 
Clé d'armoire
Glissée au fond du tiroir
Clé de porte, clé de verrou
Dur à ouvrir, quand tu es soûl
 
Mais pour tant de clés
Il serait bien plus sûr
Si vous voulez fermer
D'avoir autant de serrures

Image d'Alain Minighetti


 

De Joëlle Pétillot (extrait de T-B 82)

Grenier du rêve


Grenier du rêve
 
Le sommeil ébréché des vieilles porcelaines
L’attente sans chagrin des ombres du grenier
La fenêtre unique, penchée
Les lucioles affolées d’un soleil de traverse
 
Tout meuble boîte
Chaque pli est un gouffre
C’est puissant comme une marelle
Ciel et terre
En un seul parquet
Fixé sur les vieilles patères
Un temps de craie
 
Pendule d’une seule aiguille
Claudiquant
Posée là comme un codicille
 
Rien ne vieillit
Tout se patine
L’enfance, la vie,
Notre âme
Aussi.

Image de Cathy Garcia

 


"Jacques Louvain" de Dominique Boudou

En voilà un bon vieux blogspot bien complet : il s'intitule de façon marrante "Jacques Louvain", mais c'est le blog de Dominique Boudou. Allez savoir qui des deux est le vrai ! Les deux peut-être, sans doute.

En tout cas, il s'agit d'une publication presque aussi ancienne que celle de "Traction-brabant".

Ce que j'ai surtout remarqué dans "Jacques Louvain", c'est cet appétit d'écrire tous azimuts. On trouve des poèmes, des proses poétiques ou des nouvelles, ou un roman (au moins), regroupés par cycles, par épisodes. 

Et puis également pas mal d'écritures sur des lectures. L'auteur de ce blog est quelqu'un qui lit beaucoup et c'est pour moi une bonne chose. Dominique Boudou en profite d'ailleurs pour rédiger quelques remarques sur la littérature en général, pertinentes.
Il y a même un article qui énumère les études suivies par des auteurs souvent inconnus (pas mal d'autodidactes parmi eux) ! Intéressant.
Bref, on ne s'ennuie pas avec "Jacques Louvain". Il y a là un véritable bouillonnement intellectuel !...C'est ici.


Traction-brabant 98

Cela m'a fait une drôle d'impression quand j’ai croisé un ami l’autre jour et que je lui ai raconté être parti chercher Traction-brabant. À cet instant, j’ai eu comme une révélation. Et si Traction-brabant était devenu mon enfant ? Ah non ! Arrêtez ! Je n’en suis pas encore arrivé à ce stade !

Simplement, maintenant qu’elle a atteint sa majorité, Traction-brabant brûle de prendre son envol, ce qui m’énerve assez ! Je sens comme une envie de sa part de se mettre à la littérature ! Quelle prétention ! C’est du beau ! Quand je pense que je la nourris depuis toutes ces années ! Si elle continue à m’embêter comme ça, je ne suis pas certain de survivre à tous ses caprices ! Je vais être obligé de lui couper les vivres. Si elle veut devenir écrivain, elle se les paiera, ses études de lettres modernes ! Ça lui apprendra la signification de l’expression : voler de ses propres ailes.

Il faut dire que ce n’est pas toujours facile pour Traction-brabant. Depuis que son petit frère est né en 2012, elle se montre parfois jalouse. Citron Gare est très mignon, et d’ailleurs, je m’applique à fond pour parfaire son éducation. Alors que je me suis jamais beaucoup soucié de l’apparence de « Traction-brabant ». Si elle se met en tête d’être coquette à présent, je ne pourrai plus m’occuper du petit Citron Gare, qui a bien besoin qu’on le protège ! À dix ans à peine, pensez-vous, il ne connait rien de la vie ! Lui aussi, je dois lui épargner les mauvaises rencontres qu’il peut faire à la sortie de l’école, à commencer par les littérateurs, ces êtres malfaisants qui vous embobinent pour une gloire supposée. Si je n’y prête pas attention, il se fera entuber direct !

À cet égard, Citron Gare n’est pas non plus tout blanc ! Dès que je passe trop de temps avec Traction-brabant, il pique de ces crises ! Evidemment, Traction-brabant est le fruit d’un amour de jeunesse ! Tandis que Citron Gare est le résultat de ma sagesse d’adulte qui fait que je lui réserve un brillant avenir. Du coup, ça m’embête car il ne faudrait pas que Traction-brabant pense que je la prends pour une punkette qui tourne mal.

Moi, je vous l’dis ! C’est pas facile d’élever tout seul deux enfants, quand en plus, il faut travailler pour gagner sa vie !     

P.M.

Monday, April 22, 2024

De François Audouy (extrait de T-B 101)

Tenter de toucher le nerf de la guerre,
de fourrer les doigts dans la plaie,
résurgence des régions anciennes,
goût du sang, appel de la forêt.

Saillir du néant, de l’emprise,
ou autant emporte la vie
quand, crissant sur le pavé humide,
les pneus dérapent, incontrôlés.

Anticiper en seule issue,
suite dans les idées sacrée ;
cessation des hostilités,
audace dans la mise à nu.
 
C’est dans les garages de l’être
que sans cesse que s’efface Soledad,
qu’on se garantit en cas de sinistre
d’un zeste de réminiscence

Friday, April 19, 2024

Incipits finissants (67)

On avait bien dit : plus jamais ça. Plus jamais ça, mais quoi ? C’est ce fantôme de l’autoritarisme, qui est de moins en moins un fantôme et met en péril la démocratie, si tant est que ce joli mot ait été jamais mis en musique. Appelez ça extrême droite, ordre moral, droitisation des idées. 
Plus jamais ça. J'entends pour ma part cette injonction depuis 1986, année des manifestations lycéennes et étudiantes (contre un projet élitiste de réforme universitaire d'un ministre oublié par ailleurs), au cours desquelles un étudiant, Malik Oussekine, a été tué par des voltigeurs policiers. Une prise de conscience synonyme d'endormissement progressif.
Plus jamais ça, avec un peu plus qui s'efface peu à peu.
C'est que les tueries de nos ancêtres sont lointaines à présent. D'ailleurs, victimes et bourreaux sont morts finalement. Regardez la guerre de 14-18. Il y a beau avoir eu 1,5 millions de français morts. Les villes bombardées ont été reconstruites. Les villages détruits ont été recouverts par de belles forêts. Bref, tout le monde s'en fout. La guerre en France est devenue une abstraction. Les kapos, des jeux vidéo.
Et pourtant, les conflits armés bien actuels, ils existent. Bien sûr qu'ils existent. Mais ils sont loin de chez nous. Alors, c'est pas grave. Sauf qu'ils ont tendance à se rapprocher de plus en plus, dans leur soif de partage des plaies. Du coup, ça devient moins drôle.
En plus, s'il y a toujours du plus jamais ça, y a toujours aussi plus de chômage. Et aussi de plus en plus de vieilles badernes politicardes, de plus en plus coupées du peuple. Alors, ma foi, on en parle de plus en plus, du messie politique, en échange de quoi on s'autoriserait volontiers des libertés avec notre régime démocratique. Après tout, Hitler a réglé le problème du chômage. Ah ça ! Question de ça ! Il l'a bien réglé ! D'ailleurs, ces temps-ci, on republie "Mein Kampf". Et pis merde ! Trop longtemps, on a été trop gentils avec tout le monde. Et qu'est-ce que ça nous a apporté ? Que des emmerdes. On aimerait pour une fois pouvoir montrer les crocs. Les gentils, Mère Térésa et tout ça, ça n'a jamais été très vendeur. A la limite, Jésus. Mais même lui, il est mort en martyr.
L'autoritarisme, c'est comme la dope. On est déjà tellement accros à la drogue douce qu'un jour, on tombera dans la dure. ça nous fera ptète du bien. Peut-être que ça guérira tous nos maux, qu'ont pas été solutionnés par les gentils. Et tant qu'à mourir à cause des idées des autres, autant que ce soit de mort rapide.
P.M.

Saturday, April 13, 2024

De Thierry Radière (extrait de T-B 45)

VIVRE C’EST TROUVER LES MOTS

on dit que tout ça c’est de la poésie
parce qu’on sait pas comment nommer
ces enchaînements d’images
comme des œufs de grenouilles flottant en avril
sur l’étang suivis de têtards au mois de mai

on raconte dans le brouillard des histoires
qui n’en sont pas pour l’unique plaisir
d’y voir plus clair sans trop d’espoir
et on continue appliqués à porter des armures
des lunettes des casques des boucliers

la crainte est un sentiment exagéré la nuit
elle prend dans les rêves des bouts de jupe
des pans de nappes et s’amuse à étouffer
la respiration des pensées le souffle des girafes
si bien qu’on croit mourir avant chaque réveil

Wednesday, April 10, 2024

"L'ANCRe NOMaDe", de Jean-Marc Feldman

Je vous présente le blog de Jean-Marc Feldman, qui s'intitule "L'ancre nomade".

Il s'agit, de toute évidence, d'une publication très riche, reflet d'une vie elle-même très riche, dans laquelle alternent images (photographies le plus souvent) et poèmes tout à la fois lyriques et préoccupés par ce qui se passe à l'extérieur. Bref, une "ancre nomade" !...

On y trouve quelques vidéos.

Bref, un blog comme aujourd'hui, en 2024, on n'en trouve plus souvent...

Pour aller y voir, c'est ici.

Traction-brabant 81

Si mon poème est un loisir, il me vient illico presto quand je laisse mes pensées vagabonder. Je n’ai pas besoin de faire des efforts. Je r...